Concours d'écriture #3 : les nouvelles
Bonjour à tous.tes ! C'est au tour des nouvelles gagnantes d'être dévoilées !
Merci à tous.tes les participant.e.s pour vos textes que nous avons pris beaucoup de plaisir à lire. Le choix a été long et difficile mais nous avons fini par nous décider sur les cinq finalistes. Voici sans plus attendre leur nouvelle !
5- Le jour des couleurs, par Alberto Arecchi
Dans la nuit, des gouttes dures comme des diamants tombèrent.
Là où elles frappaient, elles laissaient la marque. Les vitres cassées, les toits perforés, les parapluies fissurés comme des tamis. Les toits des voitures étaient transformés en cosses énormes. Les feuilles des arbres furent éventrées, comme si elles avaient été frappées par des tirs de mitrailleuse.
Un vent fort arriva soudain, en soulevant de tous les côtés des fragments de tout ce qui était dans la ville. Des feuilles de cahiers volaient avec les dossiers fiscaux, comme des cerfs-volants légers, dans un énorme ouragan, soulevés du sol vers les nuages. C’était comme la fin du monde.
Au moment du réveil, tout le monde apparut bouleversé : chaque couleur s’était tournée dans sa complémentaire. Le ciel était devenu jaune pâle, les gens avaient la peau cyantique, l’herbe avait viré au rouge foncé. Deux rats se regardaient effrayés de voir leurs manteaux presque fluorescents. Ils semblaient tirés au néon. Une abeille à rayures blanc violet volait en flottant, comme folle. L’eau dans la rizière reflétait le ciel, couleur sabayon. Une grenouille rouge feu regarda vers un moustique, blanchâtre comme la cendre d’une cigarette. Elle réagit instinctivement, allongea sa langue et l’attrapa. Le goût était bon, comme celui d’un bon moustique. Le batracien comprit qu’il devait garder un oeil d’attention pour les petites créatures volantes de couleur blanche, qui n’avaient pas de ressemblance avec les insectes qu’on pouvait repérer à la veille, mais qui étaient tout de même passables, puisqu’elles bougeaient de la même façon et qu’elles avaient le même goût. Même la grenouille, cependant, bien qu’elle fût virée au rouge, apparut également comme un bon repas au corbeau blanc, qui descendit promptement pour la dévorer.
La jeune Sophie se réveilla en sursaut. Quelques semaines avant, elle avait peint sa chambre en rose et maintenant elle la voyait verdâtre, d’une teinte un peu meurtrie, dans la lumière du matin. Elle se frotta les yeux, mais l’effet ne changeait pas. En allant dans la cuisine pour se faire du café, elle put constater que toutes les plantes de son appartement avaient viré au rouge. La cafetière était opaque, foncée, presque noire, tandis que la poudre de café apparaissait jaunâtre. Le chat de la maison sautait d’un meuble à l’autre, dans un environnement qu’il voyait comme étranger et un peu dangereux, presque comme un vaisseau spatial. Enfin il reconnut sa propre odeur dans un coin du tapis, et il se calma.
Ce fut alors qu’il commença à pleuvoir. Les gouttes irisées ressemblaient à de petits diamants, aux multiples facettes. Elles laissaient leur marque partout, où elles frappaient. Elles brisaient les vitres, perçaient les parapluies et laissaient des bosses dans les toits des voitures. Il semblait vraiment que la fin du monde était en train d’arriver.
Ce fut alors que la rivière commença à changer de couleur. Après des décennies de harcèlements, après les vols de l’eau et les salissures de toute nature, versées dans ses eaux, la rivière décida de se venger, en choisissant librement sa propre couleur. Un filet un peu ludique essaya de devenir jaune, puis rose, puis de virer au rouge, tandis que d’autres optaient pour la gamme des verts. Les tresses d’eau se colorèrent comme un arc-en-ciel, ou comme ces tresses de fils de coton, parmi lesquelles vous pouvez choisir les fils de raccommodage. Les eaux pétillantes semblaient célébrer une soudaine fête foraine de joie et de couleurs. Enfin, tous les filets d’eau de la rivière se mélangèrent les uns aux autres et tous prirent une couleur indigo, pareille à l’encre des anciennes plumes stylos.
Le soleil tapait sur les vagues et les remous et en tirait mille reflets. Les pêcheurs en étaient stupéfaits. Les poissons en étaient encore plus stupéfaits. La nouvelle se propageait rapidement. La rivière colorée en indigo frappait contre les piliers de l’ancien pont médiéval. Tout le monde voulait voir et prendre des photographies de la nouvelle couleur de l’eau.
Il semblait que l’eau trace des volutes et des arabesques sur le sable des rivages et des îles, comme une écriture agile d’une main expérimentée. Doucement, les signes prirent forme et devinrent des mots. Les ruisseaux décrivirent mille, dix mille, cent mille fois le même mot, sur tout le cours de la rivière. « Assez! Assez! Assez! »… Ça suffit avec la pollution? Avec les guerres? Chacun interpréta l’expression comme il le souhaitait. Tout le monde avait quelque raison pour dire « ça suffit » et donc tout le monde était d’accord.
Seulement la montagne des déchets, à l’extrême périphérie de la ville, n’avait pas changé. Les ordures se levaient toujours en tas, en polluant l’air et les campagnes des environs. Massive, fétide comme toujours, la poubelle est encore là, elle n’a pas changé de couleur, elle est restée sombre et lugubre à toujours. Sa puanteur s’élève dans les airs, grise et sombre, comme un mémorandum pour la postérité. Ici, les archéologues d’un temps à venir pourront fouiller à leur aise, pour reconstruire la vie, la culture et l’histoire de notre civilisation.
J’ai dû batailler auprès de mes collègues du jury pour garder cette nouvelle dans le top 5 ! L’idée est tellement originale et l'entiereté de l’histoire est rédigée sous forme d’une grande description agréable à lire… Bravo pour votre histoire, je suis tombée sous le charme !
4- L’histoire de Yakov Pyatoye-Martarovich, par Jean-Baptiste Bachelier
Yakov Pyatoye-Martarovich marchait seul et en paix dans sa forêt de Białowieża.
Oui, SA forêt. Il avait dépensé 2 418 649 730 100 de roubles pour pouvoir l’appeler sa forêt.
La signature du dernier bail forestier de Grande Russie était datée du 1er janvier 2120. On pourrait dire que c’est pratique pour la mémoire, mais plus personne ne tenait de calendrier dans la forêt de Yakov, et il s’y promenait seul depuis à peu près quatre ans maintenant.
Yakov avait décidé d’aller rendre visite à Anna ce matin. Anna ; c’était Anna Abramovich, son arrière-grand-mère. Il y a longtemps, après la Grande Trahison, après la guerre et la défaite, quand les riches étaient tous partis à l’ouest, elle avait accueilli Ivan Potanine. Ils s’étaient mariés. Ils avaient fondé la dynastie la plus riche du XXIe siècle.
Anna restait penchée, environ une lieue après le passage du gué de la rivière Narewka. Immobile. Le plus beau tilleul de la forêt de Białowieża. Pour Yakov, tous les tilleuls étaient des femmes. C’était comme ça. Comme une évidence. Un réflexe pavlovien olfactif. Anna était relativement petite pour un tilleul de son âge, un peu penchée sur un côté, celui qui donnait vers l’ancienne Europe.
Ivan Patonine, Yakov allait passer devant justement, en chemin vers la rivière. Mais si Yakov pouvait passer des heures sous les feuilles d’Anna à jouer aux billes avec les fruits de tilleul, il donnait rarement plus qu’un regard à Ivan. Parce que des épicéas, il y en avait trop à son goût ; et que celui-là était particulièrement rongé par les bostryches et défiguré. Comme Ivan après la guerre. C’est pour ça que Yakov l’avait appelé comme cela. Et puis quand il passait devant Ivan, il les entendait. Il leur avait pourtant interdit. Dit de faire attention. Il ne voulait plus les entendre. Mais, pourtant ce matin encore, il n’avait pu faire autrement que de les entendre : « Maintenant, lâchez-la, lâchez-la ! Sinon il ne la verra pas ! »
Yakov avait serré les dents. Et un poing. Puis il s’était jeté sur Ivan et l’avait cogné en le traitant de « Bezumnyy[1] ». La marque sur ses doigts montrait que ce n’était pas le premier coup de sang que Yakov balançait sur Ivan, ou un autre. Mais ce coup-là, à défaut de faire trembler le vieil épicéa, fit sortir une biche de derrière les fougères. Yakov la contempla. Retrouva la sérénité. Puis reprit son chemin vers Anna.
Anna avait commencé à changer ses fleurs en boule. Du coup, elle penchait encore plus que d’habitude vers la Pologne. « Fais attention, Grande Babushka ! Si tu continues de t’incliner comme ça vers l’ouest, tu vas t’attirer les ennuis ! » Anna avait répondu en envoyant au sol une dizaine de ses petites feuilles, qui étaient tombées lentement en hélicoptère sous les yeux de Yakov.
Alors Yakov les avait encore entendus. « Pas trop fort, odurmanennyy[2]. »
Pas ici ! Pas près d’Anna. Trop… C’était trop !
Yakov partit en courant. Vers où ? Il n’en était pas encore complètement sûr. Il pouvait aller retrouver Kolya. Ou peut-être Irina. Là-bas, il ne les entendrait plus, ça c’était sûr. Au pied d’Irina, ils ne le retrouveraient pas. Ils n’en avaient pas le droit de toute manière. Ils le savaient. Il le savait. Il aurait la paix.
Il courut sans s’arrêter pendant des heures. En tout cas pendant ce qu’on appelait « des heures » auparavant... Parfois, autant par fatigue que par panique, il s’arrêtait. Il retenait sa respiration, recroquevillait ses orteils, bloquait sa poitrine et mettait ses mains dessus pour étouffer le bruit de ses battements cardiaques. Il écoutait… Il ne les entendait pas. Puis il repartait en courant sans prendre le temps de boire ou de laisser sa respiration redémarrer comme il faut.
Irina était encore loin. Tout au sud, après Topilo. Il savait que là-bas il n’y aurait plus de voix. Dans les branches de sa mère, il retrouverait le silence. Irina Potanina, c’était l’enfant unique de Nikolaï Potanine et de Svetlana Safina. Irina, c’était la dernière héritière de la fortune des Potanine-Abramovich. L’avant dernière ligne d’une injustice qui datait de plus d’un siècle et demi. D’une richesse que rien ne pouvait atteindre. Que personne ne pouvait contester. Plus solide que le tronc d’un chêne. Il fallait bien une fortune amassée depuis aussi longtemps pour pouvoir prétendre acheter la dernière forêt d’Eurasie, comme l’avait fait Yakov il y a un peu plus de quatre ans.
En courant vers le sud, Yakov repensait à tout. Les négociations avec le Conseil des Nations Unifiées. L’argent de la vente servirait à en replanter d’autres. Des nouvelles. Ailleurs en Grande Russie et en Europe. Là où tout avait brulé. Oui, ils pourraient se servir de quelques jeunes arbres et de quelques fruits dans sa forêt pour rebâtir la verdure du monde. Puis les enchères avec l’héritier Huan Lee, jusqu’au bout du bout de la dernière branche de sa fortune. Jusqu’au dernier compte offshore liquidé. La deuxième place derrière le richissime des richissimes de Chine. La folie. Le dernier tueur à gage Wagnerien. Le chaos. La victoire. Et la paix. Dans SA forêt. La dernière d’Eurasie. La dernière folie de l’homme le plus riche du monde.
Chaque fois que Yakov rendait visite à sa mère, il trouvait cocasse de penser qu’elle était encore plus vieille que la vraie Anna. Irina était là depuis bien avant tout. Quand en Russie on eu enfin le droit de faire fortune, sur les cendres d’un régime presque oublié, Irina extirpait déjà ses premières petites feuilles d’un gland caché sous la terre. Se souvenait-elle de tout ça ?
Elle était Atlas. Elle portait tout le poids de ce monde réduit de Białowieża sur ses énormes branches de chêne. Bref… Elle était une mère.
On voyait sa cime dépasser au-dessus de la canopée depuis presque une lieue. Pas de beaucoup. Juste un arc de cercle vert qui dépassait de quelques mètres au-dessus du reste du monde. Mais lorsqu’il le voyait, Yakov retrouvait la sérénité qu’on connait quand on emprunte les derniers mètres avant de frapper à la porte de la maison. Quand on entend les pas de sa maman arriver derrière la porte, et que l’odeur de Golubtsy[3] la précède de quelques secondes.
En ce jour, quand Yakov se décida enfin à s’arrêter de courir, ce ne fut pas pour contempler les branches interminables d’Irina. En fait, les belles branches d’Irina, qui formaient une bulle de vide autour d’elle, comme repoussant les autres arbres, il ne les verrait pas aujourd’hui. Sur le chemin, il avait marché sur quelque chose…
Il s’arrêta, donc, encore loin de sentir l’odeur rassurante de sa mère. Stoppé par un objet incongru sous son pied gauche. Ce n’était pas une racine qui dépassait. Il passait par ce chemin trop souvent pour ne pas en connaitre tous les obstacles naturels. Ce n’était pas un insecte. Il n’en connaissait pas d’aussi volumineux qui ne craque salement sous les chaussures quand on l’écrase.
Non, ce sur quoi il avait marché, il ne le savait que trop bien, ils l’avaient laissé derrière eux. Il fit demi-tour sur lui-même, trois pas, se baissa et sortit de terre ce qu’il avait enfoncé dans la gadoue en posant le talon dessus en passant là quelques secondes plus tôt.
Il avait extrait du sol une grosse cartouche de fusil. Elle était toute rouge. Son réservoir vidé de sa poudre et de ses plombs, maintenant rempli de terre marron. Non, cette cartouche n’était pas là la dernière fois. Non, elle ne devrait pas être là cette fois-ci non plus. Ils avaient chassé près d’Irina. Les inconscients…
Il allait devoir y aller. Aller à leur rencontre. Leur parler. Sacharewo.
Le reconnaitraient-ils en le voyant après plus de trois ans ? Sans parler des cheveux et de la barbe, son visage avait sûrement changé. Comprendraient-ils qui leur parle ?
Oui, forcément ! De toute façon il n’y avait personne d’autre dans sa forêt. Personne d’autre n’avait le droit de s’y monter. Ils le savaient. Il allait justement leur rappeler…
Le trajet entre Topilo et Sacharewo, Yakov ne l’avait fait que deux fois. Alors il se perdit. Dans sa propre forêt ! Un acte manqué par définition. Pourtant, quand il retrouva la route – rien que de penser le mot route le dégouta et le mit en colère – le jour n’était pas encore tombé. Il pourrait dire ce qu’il avait à dire dans les derniers rayons de soleil de l’ouest. Avec un peu de chance, la lumière du crépuscule l’aveuglerait, et il n’aurait pas à les voir, en plus de devoir leur parler.
A Sacharewo, la lumière des rayons du soleil couchant éclairait la route en plein dans son axe de circulation. La frondaison des arbres créait un tunnel de lumière orangée en direction de l’Est. Les soldats ne surent comment réagir en voyant leur patron marcher sur la route, au loin, à plusieurs centaines de mètres. Que faisait-il là ? En avait-il marre ? Avait-il eu sa dose ? L’ermite venait-il pour retrouver la civilisation ? Déclarer forfait ? Toute cette mascarade était-elle enfin terminée ?
Dans leur dos, derrière les trois rangées de grillages et de barbelés, les derniers résistants et militants, cantonnés de force à côté des militaires pour ne plus déranger le maitre, aperçurent Yakov avec quelques secondes de retard sur les Wagneriens. Mais lorsque la rumeur, d’abord un murmure, se transforma en cris et en invectives, c’est tout le camp qui se colla aux grilles et qui essaya de grimper.
Les Wagneriens ne surent par où commencer. Aller à la rencontre de Yakov et l’accueillir, pour recueillir la raison improbable de sa sortie ; ou tirer quelques coups de semonce en direction des résistants pour les calmer une bonne fois avant l’arrivée du maitre des lieux. Une fois de plus, on entendit le feu avant la parole. Et les pleurs avant le dialogue. Un militant était tombé du haut de la première grille et ses camarades se pressaient désormais autour de lui en hurlant au fascisme et au secours en même temps.
Yakov, lui, continuait d’avancer à pied sur la route, à l’abri des arbres. Plus il se rapprochait du bruit, plus il regrettait sa décision d’être venu jusqu’à Sacharewo. Pourtant, il fallait remettre les choses au clair. Il n’avait pas le choix. Prendre sur soi.
Un contingent de Wagneriens s’avança en courant vers Yakov, soleil dans le dos. Des ombres armées qui couraient sur la route en criant « Vladyka ! Vladyka[4] ! Arrêtez-vous là ! Nous venons jusqu’à vous. N’approchez pas du camp ! N’approchez pas plus ! C’est trop dangereux ! »
De les voir… De les entendre… Yakov sentit un dégout monter en lui. Un dégout tellement violent qu’il en vomit. D’un coup, comme ça. En plein milieu de la route. Sans avoir le temps de trouver le fossé ou même de viser au-delà de ses chaussures. Un réflexe nauséeux incontrôlable. « Vladyka, êtes-vous malade ? Nous pouvons aller chercher le médecin immédiatement. Gorsky ! Allez chercher le médecin sur le champ. »
Avec de la bile pour salive et la nausée pour souffle, Yakov interrompit les soldats. Il hurla : « Taisez-vous ! Tous ! Le prochain que j’entends encore parler, je le fais envoyer en Chine, lui et ses enfants, vous m’entendez ! »
Les soldats restèrent figés. Pétrifiés dans le silence. Le camp de militants lui-même s’était éteint, comme pour essayer d’entendre le murmure d’une conversation inexistante. Tous regardaient Yakov. Répondre signifiait mourir dans l’indifférence de l’esclavage d’une Sibérie désormais chinoise. Yakov s’était même arrêté de respirer, comme dans ses courses folles. Pour mieux entendre le silence.
Personne n’entendit le Lieutenant-Colonel Abakoumov arriver dans le dos du contingent de gardes Wagneriens. Lui avait compris la situation. Il ne dit rien, s’approcha de Yakov et d’un signe de tête l’invita à le suivre dans le sens de l’Est. Yakov le suivit comme soulagé. Le contingent de gardes n’osait toujours pas bouger dans le dos du seigneur et de son chef militaire. Quand presque cinquante mètres séparèrent Yakov et Abakoumov du reste de la civilisation, Yakov recommença à respirer. Ils marchèrent pendant presque trente minutes, dans un silence de deuil, jusqu’à ne plus voir signe d’existence du reste des humains dans leur dos à l’Ouest. Alors seulement les militaires osèrent bouger les lèvres pour chuchoter « Bezumnyy... »
Le lieutenant-Colonel Abakoumov se figea quand il fut sûr et certain que son maitre ne pouvait plus entendre autre chose que des chants de mésanges et de bouviers prévenant de leur coucher. Alors il se tourna vers le seigneur Yakov Pyatoye-Martarovich, et de quelques signes, il lui demanda comment il allait.
Yakov lui répondit par quelques gestes fainéamment signés à une main : ça ne va pas, je ne devrais pas voir ou entendre qui que ce soit. Abakoumov signait lui à deux mains : les nouvelles recrues sont de plus en plus indisciplinées ; je peine à maintenir la dignité et la rigueur qui ont fait la gloire de notre groupe. Yakov se redressa le regard noir, et lui répondit avec ses deux mains cette fois : au prix où je vous paie, vous pouvez bien recruter des gamins sortis des hautes écoles militaires ! Abakoumov, toujours très calme et serein devant son maitre : plus personne ne veut venir travailler ici ; plus personne ne comprend pourquoi vous faites tout cela ; je recrute des guerriers, pas des gardes forestiers.
Le silence s’imposa de nouveau. Les passereaux avaient désormais laissé la place aux chouettes et aux oiseaux nyctalopes. Eclairé par la lune gibbeuse qui montait dans le noir de la canopée, Yakov avait décidé de conclure le sujet et la conversation : alors partez ! Prenez vos hommes et ramenez-les en ville. Abakoumov retint un rire, mais pas son rictus : et qui va vous protéger ? Qui va retenir les centaines de militants et résistants que nous avons enfermés pour vous protéger dans votre silence ? Qui chassera en secret pour vous nourrir ? Qui garantira l’inviolabilité de votre sanctuaire ?
Yakov avait décidé. Le prix final pour vivre en paix dans son sanctuaire : tuez-les tous.
Puis il laissa Abakoumov sans même lui laisser le temps de répondre quoi que ce soit. De réponse, Abakoumov n’en avait de toute façon pas.
Bezumiye[5]…
Il hésita à lui tirer dans le dos. Pour mettre fin une bonne fois pour toute à cette folie. Mais l’argent achète la peur et le silence, à défaut du bonheur. Il regarda son seigneur s’en retourner seul en son domaine, sans un mot. Plus jamais aucun mot. La peur et le silence. C’était cela la définition de la paix pour Yakov Pyatoye-Martarovich.
[1] Bezumnyy = fou, aliéné en russe [2] Odurmanennyy = abrutis en russe [3] Golubtsy = sorte de rouleau de printemps russe. [4] Vladyka = seigneur en russe [5] Bezumiye = folie en russe
Le petit coup de coeur de R. ! Pour Yakov, personnage attachant, pour le côté engagé et pour ce voyage dans la culture Russe !
3 - Jeudi vert, par Frédéric De Jesus Marques
24 septembre 2090. J’ouvre les yeux. Mon corps est sanglé. Ma tête est lourde. Je ne parviens pas à bouger. Un homme en blouse blanche me surplombe. Sans me regarder, il manipule des tuyaux qui me relient à la table sur laquelle je suis allongée. Je tente de lui poser une question mais aucun son ne sort. Je parviens à me redresser. Juste un peu. Juste assez pour découvrir un corps qui n’est pas le mien. Il me semble pourtant familier mais c’est comme s’il avait vieilli prématurément. La peau, striée de plis, parsemée de tâches grisâtres, parait molle. Je ne comprends pas. J’ai la tête qui tourne. Un vertige d’angoisse s’empare de moi.
Cela fait déjà trois jours que l’homme à la blouse blanche est parti sans un mot, sans une parole, et que je suis enfermée chez moi. La porte d’entrée est verrouillée. Les fenêtres sont calfeutrées. Je n’ai aucun contact avec l’extérieur ni même visuel. Des jerricanes d’eau et des plats préparés à base de légumes et de fruits sont rangés soigneusement dans la cuisine. Je n'ai aucun moyen de voir mon visage. Tous les miroirs ont disparu. Je suis coincée là avec ce corps qui me questionne et qui m’effraie à tel point que j’évite de le regarder. J’arrive à peine à marcher. Je me déplace en rampant. Aujourd’hui, je suis bien décidée à obtenir un début d’explication. Au prix d’un effort colossal, progressant au sol centimètre par centimètre, je sonde chaque recoin de la maison. C’est finalement derrière une plinthe creuse que je le trouve dissimulé. Un instinct, peut-être un souvenir enfoui, m’a mené à lui. Un manuscrit couvert d’une épaisse pellicule de poussière me donne enfin l’espoir de comprendre. Je commence la lecture.
12 juin 2054. Il y a urgence. Je dois absolument laisser une trace de ce que nous avons vécu et de ce que je m’apprête à vivre. Cela fait déjà vingt-deux ans que le jeudi vert a bouleversé l’ordre du monde et de mon univers. J’avais à peine huit ans ce jour-là. Je croyais depuis l’avoir oublié, l’ancien monde, mais aujourd’hui tout m’est revenu comme s’il avait toujours été fixé à mon ADN et qu’il attendait de se révéler.
Une organisation de dimension planétaire avait depuis de nombreuses années noyauté les systèmes politiques, économiques, judiciaires, militaires, religieux et médiatiques des grandes régions de la planète et il aura fallu une série d’assassinats orchestrés le même jour, le jeudi 1er avril 2032, pour basculer dans ce nouvel ordre dans lequel j’ai été condamnée à vivre et qui s’apprête à m’engloutir. Ils ont d’abord éliminé ceux qu’ils considéraient comme les responsables directs du péril auquel était confronté l’humanité. Il y avait les grands patrons : des grandes banques aux industries les plus polluantes en passant par l’agroalimentaire de masse. Me revient l’image iconique du dirigeant de cette chaîne internationale de fast-food, de son épouse et de leurs enfants, grimés et déguisés en clown, dont l’exécution par empoisonnement à la toxine botulique a été diffusée en direct sur toutes les chaines télévisées et les médias de l’Internet. Ou bien encore la patronne de cette énorme firme de vente en ligne chinoise obligée régulièrement de changer de nom et de charte graphique, tant les scandales liés à la dangerosité des produits vendus se succédaient, écrasée avec les siens dans un emboutisseur servant à la destruction d’objets manufacturés défectueux. Les hommes politiques n’ont pas été épargnés. Il a fallu les empêcher de continuer à s’exprimer par le mensonge. Leur calvaire a commencé par un coup de sécateur et l’ablation de leur langue. Je n’irai pas plus loin dans le détail de leur lente agonie. Les gouverneurs des banques centrales et les patrons des grands groupes financiers ont été regroupés et alignés avant d’être fusillés à l’aide de balle en or 24 carats confectionnées pour l’occasion. Il y eut également tous ces suicides. Ces hommes d’influence, ces responsables de fonds d’investissements, ces chefs de rédaction de presse, ces hauts fonctionnaires qui ont décidé d’en finir par eux-mêmes, « dignement », plutôt que de se risquer à l’humiliation de la mise en scène de leur supplice. Toutes ces images tournaient en boucle les premiers mois et chaque année à la date anniversaire du jeudi vert. Elles avaient eu le temps de pénétrer nos esprits vulnérables avant de se camoufler quelque part dans nos corps.
Puis, durant les premiers mois, ce sont près de trois mille milliardaires, y compris leurs enfants, qui ont été exécutés ainsi que les vingt millions d’êtres humains les plus riches de la planète. Pour ceux-là, les familles ont été épargnées. Sur une population mondiale d’un peu moins de huit milliards d’habitant, ça ne représentait finalement que 0,0025 %.
Les membres de l’Organisation ont ensuite rapidement pris le contrôle des réseaux stratégiques. Ils ont occupé les centrales de production et de distribution de l’énergie. Ils ont mis à l’arrêt tous les réseaux de transports en paralysant les aéroports, les gares, les ports, en assignant à domicile la population et en arrêtant les récalcitrants.
La finance s’est d’elle-même neutralisée, les places boursières ayant subi ce qui a été qualifié de krach absolu. Les monnaies ont perdu toute leur valeur limitant drastiquement les possibilités d’échanges de biens et de services.
L’Internet a été bridé. Les flux d’information n’étaient plus orientés que dans un sens : de l’Organisation à la population, et Internet n’était plus qu’un outil d’injonction et de propagande du nouveau pouvoir.
Quelques pays avaient tenté de résister. Des petits pays où le pouvoir était à ce point concentré et autoritaire qu’infiltrer les sphères stratégiques avait été tout simplement impossible : l’Arabie Saoudite, la Corée du Nord ou encore l’Azerbaïdjan. Il aura fallu des conflits armés pour faire basculer ces Etats dans le nouvel ordre et finalement quelques mois seulement pour que l’humanité tout entière soit placée sous le joug de ce nouveau régime autoritaire.
L’Organisation, qui n’a d’autre nom que l’Organisation, a ensuite tenté d’expliquer le processus par lequel elle a émergé et les raisons de ce putsch d’envergure planétaire. GAIA était l’ouvrage de référence, le nouveau livre Saint, et avait pour vocation de servir de métronome à nos nouvelles vies. Il est constitué de quatre parties :
- « Genèse » qui traite des origines du mouvement et justifie sa violence par l’incapacité de l’ancien système à conduire l’humanité à sa propre survie ;
- « Abandon » qui définit ce à quoi la population allait devoir renoncer pour assurer sa subsistance et de quelle manière ;
- « Intégration » qui aborde la dimension psychologique, culturelle, civilisationnelle et même biologique de la mutation humaine qui allait en résulter ;
- « Après » qui ne contient encore à ce jour que des pages blanches.
GAIA était devenu la pierre angulaire de l’enseignement à l’école. Il existait une version pour chaque niveau scolaire adaptée aux plus petits en maternelle comme aux plus grands dans les Grandes Ecoles et à l’Université. Tout le monde avait l’obligation d’en posséder un exemplaire. J’en connais par cœur chaque mot, chaque ponctuation. Certains passages étaient récités dès le réveil, avant les repas, au début des cours et même pendant notre sommeil grâce au SIREV, le Système Incubateur de Rêves par Echo Vocal, qui nous a été à tous implanté. Une grande campagne d’installation du SIREV a été organisée la première année. Les personnels du corps médical ont été mobilisés et obligés de connecter chaque personne. Les résistants ont été arrêtés. Le sort qui leur a été réservé est encore à ce jour un mystère.
Dans Genèse, l’Organisation s’interroge sur les responsabilités qui nous ont amenés à cette situation de chaos imminent et pose le diagnostic de l’impossibilité pour le système passé d’être en capacité de procéder à un tel exercice et de prendre les mesures pour éviter le pire. C’est en cela que l’Organisation s’est purement et simplement inscrite dans un processus inquisitoire en s’arrogeant le droit de juger et de désigner les coupables. Aux yeux de l’Organisation, les responsables sont ceux à qui nous avons confié le mandat de décider pour nous et qui nous ont poussé dans des comportements mortifères, ceux qui, individuellement, ont accumulé un capital équivalent à celui de millions de personnes, pire, à celui produit annuellement par des dizaines de pays les plus pauvres et qui sont parvenus à nous faire croire qu’ils incarnaient le rêve absolu, ceux qui n’ont pu s’empêcher de nous montrer leur supériorité en allant nous observer de leurs fusées placées en orbite comme si nous étions leurs animaux en cage, ceux à la tête d’entreprises qui n’étaient pas capable de connaître le prénom de chacun de leurs salariés et qui étaient finalement dans l’impossibilité de mesurer que leurs décisions engageaient des milliers, voire des millions de vie, ceux qui ont bâti leur business sur l’empoisonnement des sols, des organismes vivants, de nos corps, de nos esprits, de nos familles, de nos amours, de nos amitiés, et qui nous ont fait croire qu’ainsi, nous nous réalisions, ceux qui construisaient l’information à partir du postulat que l’homme est vicieux et qui ont gangréné nos esprits de croyances répugnantes, ceux qui inventaient des objets qui nous apprenaient à ne plus avoir besoin des autres, pire, à voir chez les autres un danger pour nous-même et ainsi faire émerger une culture de la défiance.
Dans Genèse, l’Organisation dit ne pas avoir été pensée. Elle s’est imposée d’elle-même. Elle a émergé de la sphère interdite de l’Internet, une composante du Dark Web. Elle est née de la rencontre accidentelle au départ de quelques homo modicus, comme ils se sont qualifiés, des adeptes de la modération parce qu’ils sont venus au monde dénués des dispositions génétiques adaptés à l’ancien système : incapacité à digérer les protéines animales, hypersensibilité aux stimuli urbains (bruits, luminosité artificielle, promiscuité, verticalité des urbanismes, etc.) et à l’accumulation des ondes électromagnétiques, hyperconscience des équilibres naturels, de la condition animale, de la biodiversité, une empathie instinctive à la souffrance des autres êtres et organismes vivants, mais une acuité cérébrale hors du commun et une intuition des plus fines et par-dessus tout, une détestation de l’Homme dit moderne, imprégné de cette pensée occidentale héritière des oppressions et de l’aliénation des autres peuples, des autres espèces vivantes et des autres territoires et qui se conforte dans une culture de la performance, de l’idée que son propre bonheur passe par la destruction de celui des autres, pas seulement des autres êtres humains mais également de toutes les autres formes de vie.
J’ai pris la mesure de ce que contenait Abandon le jour où des membres opérationnels de l’Organisation ont pénétré pour la première fois dans notre maison. Avec mes frères et ma sœur, nous avons d’abord ri nerveusement à la vue de leur uniforme singulier en toile de jute. Puis, il aura fallu un seul regard de mon père pour que la peur prenne le contrôle de nos esprits. Ils étaient trois. L’un est resté silencieux, observateur. Il semblait ailleurs et prenait des notes. Un deuxième posait des questions, des montagnes de question sur notre vie, notre famille, nos amis, le travail de mon père, sur l’absence de ma mère. Il posait des questions mais connaissait déjà tout de nous : nos lectures, nos voyages, nos loisirs, nos états de santé, nos intimités, nos forces, nos faiblesses, les raisons du départ de ma mère. Tout était déjà là, quelque part dans les méandres du numérique à attendre de nous coincer dos au mur. Le dernier était le technicien de la bande. Il relevait les surfaces de la maison, inventoriait les équipements, sondait l’installation électrique et le système de chauffage. Ils sont restés presque une matinée. Le quartier tout entier subissait ce jour-là le même effeuillage.
Un numéro de matricule nous a été à chacun attribué. Il a quand même fallu quelques mois, durant lesquels nous avons cru que la vie allait reprendre son cours normal, avant que soient déployées les mesures les plus extrêmes contenues dans Abandon et qui allaient bouleverser nos vies. Nos corps ont été forcés avec l’implantation de tout un arsenal technique de régulation et de surveillance sociales. Ça n’a pas fait mal. C’était tellement inquiétant. Nos habitats ont été réorganisés. Pas plus de douze mètres carrés par personne. Cinq membres d’une même famille que nous ne connaissions pas ont été installés chez nous. Nous avions peur. Ils étaient terrorisés. Ils nous ont par la suite expliqué qu’ils avaient tenté de fuir, pensant à l’époque qu’il existait un endroit où se réfugier, et qu’ils avaient depuis le statut de récalcitrant. Ils ont été sortis de force de chez eux, un sac en toile de jute sur la tête. Je me souviens encore des rougeurs qui parsemaient leur visage fébrile. Notre chauffage avait été bridé. Pour notre région, il était autorisé jusqu’à seize degrés. Notre installation électrique ne permettait une puissance suffisante au fonctionnement du gros électroménager qu’une demi-journée par semaine au départ, puis ce fut par quinzaine et enfin tous les mois. L’électricité était coupée la nuit. Nos véhicules ainsi que la plupart de nos équipements fonctionnant à l’électricité (téléviseurs, ordinateurs, smartphones, électroménagers, etc.) ont été confisqués.
L’activité économique avait été mise à l’arrêt plusieurs mois avant que ne soient définis les secteurs qui allaient disparaitre et ceux autour desquels devait s’organiser la nouvelle force de travail. Un arrêt aussi brutal avait déjà été expérimenté au début de la crise sanitaire du Covid qui avait frappée en 2020 l’humanité tout entière. Il a juste suffi de s’appuyer sur la résilience dont avait fait preuve la grande majorité des êtres humains à cette occasion pour imposer un nouveau régime global de confinement. Cette résilience avait été possible grâce aux nouvelles technologies de l’information qui avaient émergé depuis une trentaine d’année. Dans l’ADN de ces technologies était inscrit le pire des autoritarismes politiques : celui pleinement consenti par le citoyen. Une cohabitation paradoxale dans laquelle soit l’autoritarisme n’en est plus un, soit le statut de citoyen s’est de lui-même vidé de sa condition essentielle. La plupart des Etats avaient pu prendre à cette occasion des décisions privatives de libertés individuelles et collectives grâce à ces nouveaux outils du numérique. Le citoyen a d’ailleurs très bien vécu ce régime hautement répressif comme si la vitesse à laquelle nous menions nos vies avant ces évènements était une anomalie incompatible avec nos organismes primitifs, comme si une respiration apaisante nous était permise, une respiration qui avait su calmer nos systèmes nerveux. Tout s’est mis à respirer normalement : les arbres et les plantes, les fleuves et les rivières, les nuages et la pluie, les animaux et les insectes. Les déplacements et les mouvements se faisant plus lents, plus reposants. Quelque chose s’était retrouvée. Quelque chose d’harmonieux. Et pourtant, tout cela avait été permis par la force. Il y avait de quoi inspirer. L’Organisation s’en était inspirée.
Le marché avait été redéfini. Seuls les évènements exceptionnels pouvaient désormais faire l’objet d’échanges directs entre les personnes : de l’organisation des mariages à la célébration des naissances en passant par la fête des âges qui honoraient par des jeux initiatiques le passage d’une génération à une autre. Tout le reste était strictement placé hors du marché et organisé collectivement. L’agriculture était strictement corrélée aux besoins de subsistance sans superflu. Nos alimentations se limitaient au strict nécessaire : céréales, légumineuses, fruits, produits laitiers et, pour les grandes occasions, de la viande ou du poisson, et les quantités étaient très encadrées. Finis les produits industriels, les sucreries, les bizarreries alimentaires qu’on qualifiait autrefois de progrès marketing. Finie également la profusion de nourriture. Bienvenu dans le monde de la modération et du rationnement.
La phase décrite dans Intégration me semble correspondre au moment où nous avons oublié l’existence de l’ancien monde et que nous avons accédé à un bonheur nouveau à ne plus rien posséder. C’était au départ un bonheur étrange, un bonheur qui manquait d’intensité, peut-être de sérotonine. Puis ce bonheur a semblé correspondre à un apaisement, de l’esprit, du corps, du cœur. Une jouissance plus contenue. Les arts et la culture avaient une place importante et nourrissaient nos consciences. La vie sociale s’était organisée autour de deux piliers : le local et la proximité. Nous ne savions plus ce qui se passait à l’autre bout de la planète, ni même d’ailleurs au-delà d’une centaine de kilomètres. Nous n’étions pollués par aucune information sur laquelle nous n’avions aucune prise. Nos têtes étaient occupées aux besoins matériels élémentaires : se nourrir, dormir, s’abriter, se reproduire, et à l’élévation culturelle et spirituelle par la pratique des sports, des arts et de rituels d’inspiration animiste de dévotion aux différentes composantes de la nature.
Quelque chose de fondamental nous avait néanmoins été confisquée. Source de tumultes, de désordre, d’instabilité, voire de chaos et pourtant condition essentielle à rendre parfait l’imperfection humaine : notre liberté. Celle de penser, de dire, de croire, d’agir, d’élaborer. Et c’est lorsque ce manque a ressurgi en nous que les comportements ont commencé à changer. Au départ, ça s’est manifesté da façon clandestine, individuellement, chacun exploitant son propre jardin secret, puis par petits groupes jusqu’à conduire aux grandes révolutions qui ont éclaté aux quatre coins du monde depuis maintenant deux ans.
Mais l’Organisation avait tout anticipé. Elle l’a secrètement baptisé la Grande Interruption. Combinant les technologies de l’informatique quantique et de la neuropsychologie moderne, nous ne savons que peu de chose sur cette arme qui est à l’origine des disparitions en masse depuis l’avènement du nouvel ordre. Une seule certitude, elle est le point de départ du quatrième volet de GAIA, Après. Une page à écrire à laquelle je vais finalement devoir participer.
J’entends la porte céder. Ils entrent. Que va-t-il m’arriver ? J’ai tellement peur. Clara Jacob
Je referme le manuscrit. Les yeux perdus dans le vide, je me laisse happer par un vertige qui me semble irréversible, sans prise possible. Des questions surgissent par centaines annihilant le peu d’existence qu’il me reste. Mes oreilles produisent un vrombissement qui irradie la pièce entière. Ma vue se brouille. Mon spectre rétrécit jusqu’au noir absolu.
Lorsque j’ouvre les yeux, la lumière m’aveugle. Il me faut quelques minutes pour m’habituer et commencer à y voir. Brinqueballée à l’arrière d’un véhicule, je reconnais, assis au volant, l’homme en combinaison blanche. A travers la vitre, j’entrevois un bout de ciel bleu. Je suis prise au ventre par la profondeur et la beauté de cette teinte familière. J’ai une soudaine envie de pleurer. Je tente de me redresser. Affalée contre le dossier de la banquette arrière, je peux enfin accéder au reste du panorama.
Dehors, la ville a disparu. Enfin, pas complètement. Elle semble s’être réfugiée sous une épaisse couche verdoyante. Lichens, mousses, lierres grimpants, fougères géantes. La nature, merveilleuse, a repris sa place.
La voiture s’arrête devant une petite maison engloutie par une végétation gourmande.
L’homme coupe le contact et se tourne vers moi. « L’humanité a été mise en sommeil pendant plus de quarante-cinq ans pour assurer sa propre survie. »
Une porte tapissée de clématites en fleur s’ouvre. « La Grande Interruption n’a pas empêché votre espèce de se reproduire. »
Une jeune femme et une enfant se présentent sur le seuil. « Vous pouvez descendre et rejoindre votre fille et votre petite-fille. »
Une nouvelle dystopique permettant de nous interroger sur les questions écologiques et qui a attiré notre curiosité jusqu’au bout !
2 - Le chant de l'oeuf, par Janine Malaval
Antonin ébouriffa la tête de son chien qui agitait la queue en aboyant en direction du chemin.
– Qu’est-ce que t’as vu Pilaf ? Te voilà tout énervé. T’as senti quelque chose ?
Le chien sembla opiner comme pour confirmer. Intrigué Antonin le suivit. Le panorama des montagnes se révéla brutalement. Sommets blancs, aiguilles scintillantes, émergeant d’une mer ouatée qui recouvrait une vallée invisible. Le printemps tardait à s’imposer malgré le soleil généreux qui déversait ses rayons sur le vert tendre des pâturages. Un vent frais soufflait dans les branches des sapins faisant naître une mélodie flûtée vibrant dans les aigus. Le chien aboya faiblement en direction d’un chalet dont la toiture de lauzes se détachait dans la pente où paissaient les chèvres d’Antonin. Ce dernier s’approcha afin d’avoir un meilleur coup d’œil sur le chemin et le chalet en contrebas. Aucun randonneur n’était en vue. Au-dessus de la ferme d’Antonin la piste se terminait en sentier pierreux qui entaillait le flanc de la montagne en lacets serrés jusqu’au col de Baz. Son regard balaya le hameau plus bas, désert en cette saison. C’est alors qu’Antonin remarqua la présence d’un 4X4 garé devant le chalet des Morettes, le plus proche du sien.
Cette découverte déconcertante eut pour effet de le mettre de mauvaise humeur. Il vivait seul et régnait tel un souverain solitaire sur ce hameau fantôme avec pour seuls amis son chien, ses chèvres et ses quelques vaches. Il trinquait parfois au bistro du village avec les anciens lorsqu’il descendait au marché. Il renseignait des randonneurs égarés, mais ça s’arrêtait là.
Qu’est-ce qui se tramait au chalet des Morettes ? Les enfants d’Eugénie décédée voilà des années avaient-ils décidé de vendre ? Il sauta dans sa vieille Toyota rouillée jusqu’aux essieux, accompagné de Pilaf qui jappait de plaisir. Il ralentit devant les Morettes espérant apercevoir quelqu’un. On peut être sauvage mais aussi curieux. La porte était fermée. Il continua jusqu’au village dans l’idée de questionner les habitués du bar généralement au fait des derniers potins alimentés par la source intarissable des bavardages de leurs épouses. Les nouvelles circulaient très vite, il apprit ainsi qu’un couple venait d’acquérir le chalet. Ses nouveaux voisins passaient pour être de jeunes cadres stressés et surbookés qui comptaient venir recharger leurs batteries pendant les week-ends et les vacances. Et comme par hasard, se dit Antonin en frémissant, aujourd’hui c’est le 1er mai avec un Pont de trois jours. Il reprit le chemin du retour le cœur lourd comme une pierre, habité d’un mauvais pressentiment, d’une menace sourde et prégnante qui résonnait comme un hallali, la fin de sa liberté.
En début d’après-midi Pilaf se dressa sur son séant, aboyant joyeusement pour annoncer l’arrivée de visiteurs. Les voisins venaient se présenter. Antonin s’appliqua à se montrer sous son plus mauvais jour, ses cheveux blancs tombant sur les épaules, les joues dissimulées sous une barbe drue, deux petites fentes à la place des yeux surmontés d’un front raviné par les rides. Mutique et taciturne, il se retira en lui-même, le meilleur rempart contre l’intrusion de ces deux trouble-fête, répondant par monosyllabes aux questions bienveillantes qui lui étaient posées. Le lendemain de cette première rencontre, il répara la clôture qui séparait les deux propriétés afin de bien marquer son territoire. Les chèvres broutaient près de lui faisant tinter d’un son argentin les clochettes suspendues à leur cou tandis que les clarines des vaches résonnaient non loin. Antonin espérait qu’il ne reverrait pas ses voisins de sitôt. Pour le moment chèvres et vaches retrouvaient les alpages après le confinement que l’hiver leur avait imposé. Leurs cloches jouaient une joyeuse partition renvoyée par l’écho jusque dans la vallée.
La fois suivante les jeunes bobos tentèrent une nouvelle approche, se heurtèrent de nouveau au visage fermé d’Antonin. Ils rebroussèrent chemin. D’autant qu’ils étaient épuisés par l’aménagement du chalet qui dévorait leurs forces et leur énergie. Le tableau idyllique du havre de paix baigné de lumière et d’air pur se ternissait au fur et à mesure de leurs séjours. Ils n’avaient pas prévu les orages soudains qui noyaient les pentes, le vent du Nord qui griffait les visages, les membres fourbus à tant manier la hache pour couper le bois de chauffage. Sans compter le tintement incessant des sonnailles suspendues au cou des bestiaux dans le champ d’à côté. Faute de pouvoir dialoguer avec Antonin, ils finirent par aller se plaindre auprès du maire. Ils ne supportaient plus la symphonie des cloches jouée sous leurs fenêtres de jour comme de nuit. Il fallait qu’Antonin retire ces retentissants grelots du cou de ses animaux. Quand ils le lui avaient demandé gentiment, il s’était insurgé en se récriant que ce n’était pas les gens de la ville qui allaient faire la loi à la montagne. Les clarines étaient au troupeau ce que les arbres étaient à la forêt, l’un n’allait pas sans l’autre. Il ne changerait rien et ils n’avaient qu’à se brancher un casque sur les oreilles s’ils n’appréciaient pas la musique de la nature.
Quelques jours plus tard il eut la surprise d’avoir la visite du maire et d’un adjoint, deux vieux compères qu’il avait connus sur les bancs de l’école avec qui il levait le coude au bistro. Passé les amabilités d’usage, ils en vinrent au fait.
– Alors Antonin, il paraît que les sonnailles de tes bêtes dérangent tes voisins de la ville.
– Ah je vois, ils sont venus se plaindre chez toi ? Qu’ils comptent pas sur moi pour faire un geste. Une bête sans clarine c’est comme une tomme sans croûte. Et pourquoi pas demander aux curés de plus faire sonner les cloches des églises ?
– Ben ça se fait déjà hélas.
– J’suis pas un cureton !
– Ecoute Antonin, on te soutient à cent pour cent, mais ces zozos-là sont venus m’avertir qu’ils t’enverraient au juge si je n’arrive pas à te convaincre. Ils m’ont dit de te dire qu’ils laissaient la porte ouverte à un accord. T’enlèves les cloches aux bêtes et ils te fichent la paix.
– C’est ça, t’es contre moi, contre les traditions, dis-le tout de suite !
– Non pas du tout mais on est pour la paix des montagnes. Reconnais qu’ils ne viennent pas souvent. T’enlèves tes cloches quand ils sont là, puis tu les remets quand ils repartent, et tout le monde est content.
– Tu me demandes de baisser mon froc.
– C’est ça ou le juge, t’as pas vraiment le choix. J’suis pas sûr qu’le juge il te donne raison. Alors qu’ils laissent la porte ouverte à une entente.
Un grand silence suivit. Les rouages du cerveau d’Antonin s’étaient mis en route dans une longue réflexion.
– D’accord, j’accepte. Pas de cloches quand ils sont à leur chalet.
– Te voilà raisonnable. C’est mieux pour tout le monde.
Le maire et l’adjoint s’en allèrent soulagés mais un peu inquiets car, connaissant Antonin, ils ne s’attendaient pas à une victoire aussi facile.
Le lendemain à l’aube Antonin sauta dans sa guimbarde en direction de l’élevage de poulets que gérait son ami Victor.
– Qu’est-ce qui me vaut l’honneur ? l’accueillit ce dernier.
– Je m’fais un poulailler. Je t’achète quelques poules, des pondeuses. Et pour le coq, un qui pousse bien la chansonnette si tu vois ce que j’veux dire.
– J’ai ce qu’il te faut. Celui-là, y a jamais moyen de le faire taire, dit-il en désignant un gallinacé qui déambulait tête haute en lançant de stridents cocoricos. Tu le mettrais à la casserole, il chanterait encore.
– Je l’embarque.
– ça va te faire une belle fanfare avec les poules qui braillent chaque fois qu’elles pondent, j’croyais que t’aimais bien le silence.
– On appelle ça le chant de l’oeuf. Des poules, des œufs, ça fait un peu d’musique !
Et devant le regard interrogateur de Victor,
- C’est pour l’ambiance. La montagne, ça nous gagne. Pas vrai ? C’est ça la nature !
Un texte court, rythmé de dialogues, qui se lit facilement. Et le personnage d’Antonin m’a bien amusé !
1 - Printemps pour tout le monde !, par Jean Luc Hort
Déjà le 21 du mois de mars.
Le jour du printemps, le jour du renouveau, de la renaissance. Je vais profiter de l’arrivée de la plus belle des saisons en prenant mon petit déjeuner dehors. Il faut dire que moi j’ai la chance de posséder un dehors… Un joli jardin bien taillé, bien tondu ! Mais je le mérite, je lui consacre assez de temps pour arriver à ce résultat. Je suis devenu un expert de la tondeuse, du coupe bordure, de la cisaille et cela se voit. J’ai réussi à dompter la nature échevelée pour la coiffer à ma manière.
8H 35 (heure des humains) : Plateau en main, garni du bol jaune avec un smiley interrogatif empli de thé, de 3 tartines grillées (le pain que je n’ai pas mangé hier soir), d’un pot de confiture de figue faite maison et de beurre salé, je m’installe sur la table en bois sortie la veille de son hivernation.
Quel plaisir de renouer avec Dame nature après ces longs mois pluvieux et frisquets. Je ressens la renaissance du monde autour de moi, tout cela me rend heureux, d’humeur à prendre mon temps pour le petit déjeuner, même si le thé est déjà froid…. J’entends au dessus de moi un méli-mélo de gazouillis dans les hautes branches de l’If majestueux qui m’accorde son ombre. Ces oiseaux doivent être heureux aussi de l’arrivée de la nouvelle saison !
J’en vois un qui prend son envol et qui par une magnifique volte face retourne d’où il vient. A croire qu’il a oublié d’embrasser sa ‘moinette’ avant de s’envoler…. Cette image me ravit, me comble d’aise. Mais le revoilà qui repart, il passe tout près de moi, j’ai l’impression qu’il veut me dire :
- « Bonjour, porte toi bien, je t’aime ! »
Une bouffée de bonheur m’envahit, mon cœur nage dans l’endorphine…
Dans le Weigélia, juste à ma droite, j’entends les abeilles qui vrombissent, elles sont déjà au travail les laborieuses. Toujours à l’ouvrage pour le bien de leur communauté. Les hommes feraient bien de suivre leurs exemples. A commencer par mon voisin qui se gare avec son «tas de boue» n’importe où dans le lotissement. Allez j’arrête de penser à lui, je préfère retourner dans le monde animal où tout n’est que beauté, simplicité, honneur même, j’en suis sûr.
Je m’approche pour observer le majestueux va et vient des abeilles. Elles s’approchent du pistil du Weigélia, emprisonnent un peu de pollen et participent ainsi au grand cycle de la vie.
Ho !! Il y en a une qui a voulu trop bien faire, elle est trop chargée et ne peut faire autrement que se poser pour déposer son pollen à terre afin de pouvoir rejoindre sa ruche. La pauvre, elle doit être exténuée mais elle a reprit son envol immédiatement, même pas pris le temps de souffler…. Comme la nature est bien faite rien ne se perd, un groupe de fourmis surgit de nul part emmène avec lui le pollen déposé à terre. Je m’extasie de nouveau, vraiment la nature est bien faite…
Je trempe ardemment ma tartine dans mon thé froid lorsque je vois réapparaître un oiseau qui tourbillonne autour de mon If provoquant un piaillement de bienvenue.
Ce doit être sa dulcinée qui est heureuse de le voir revenir. Que c’est adorable….. Hélas, je sens une goutte sur mon visage. Il va pleuvoir, vite je me rentre, je finirais de manger dans la cuisine. Je ne vais tout de même pas mouiller ma nouvelle chemise en lin …
8H 35 (heure des animaux) : Mal dormi ! N’a pas arrêté de faire le brin dans le nid le petit. Et bien sûr son père n’est pas là, comme d’habitude. Il va encore me raconter une histoire d’aile froissée, de prise de bec avec les voisins du chêne ou autres sornettes. Je vais encore devoir aller chercher à manger au petit alors que c’était à son tour à Bruno le moineau. Et le petit, parlons en…. Un goinfre ! Comme son père, toujours le bec ouvert…. Je suis sûre que lorsque je l’aurais nourri, le Bruno il va rentrer avec un ver dans le bec histoire de faire oublier ses frasques de la nuit…. Bon, pas le choix j’y vais, je prends mon envol.
Mais qu’est ce qu’il fait en dessous de moi cet homme ? Je vais voir ça de plus prêt. Ah oui, il prend son petit déjeuner. Je repasserais tout à l’heure pour voir si il n’y a pas quelque chose à récupérer. Ils laissent toujours des restes les humains à croire que la nourriture est surabondante pour eux et que ça leurs tombe tout cru dans le bec !
Hein, qu’est-ce que j’entends ?
- « Mama, mama reviens ! » s’époumone mon affamé de fiston.
Je tire un grand coup mon manche à balai intégré et je fais une jolie figure pour me reposer de nouveau dans mon nid. J’ai pris au moins 3 g dans la manœuvre….. Aie aie aie !!…. Ça me fait mal au ventre…. Ça va encore réveiller mes fuites urinaires …. Eh oui, depuis le ‘passage‘ de l’œuf du goinfre, j’en souffre !
- « Mama n’oublies pas le dessert, pas comme hier, je voudrais une ou deux mouches bleues, j’adore leur parfum. »
Il est gonflé le gamin , je lui aurais bien mis un coup d’aile dans le bec pour lui apprendre le respect mais je suis contre la violence familiale. Il va m’entendre son père, je vous le dis ….. Allez, je repars faire les commissions… Je vois le jardin de l’homme en dessous. Mon Dieu je n’y comprends rien ! Pourquoi est ce qu’il s’escrime à y couper l’herbe ? Il ne sait pas qu’elle va repousser. A croire qu’il n’a que cela à faire que tailler son gazon toutes les semaines. C’est comme si moi je battais des ailes sans voler. Sont vraiment bizarres quand même. Bon allez, moi je vais au marché.
*****
Déjà 5 mn que j’ attends Mireille dans le Weigélia. J’en ai assez de faire semblant de bosser dans les pistils…. C’est pas la plus ‘futefute’ des abeilles la Mireille, mais fallait bien que je dégotte une complice pour mon trafic avec les fourmis…
Ah, enfin la voilà. Vais pas l’engueuler, sinon ça va encore être les grandes eaux. Elle est sensible la Mireille, elle est surtout bien brave si vous voyez ce que je veux dire …
- « Oui, d’accord Mireille, j’ai compris, il y avait du monde à la sortie de la ruche. Pas grave…. Bon, écoutes bien, ouvres bien tes antennes. Je vais assurer la livraison de la came aux fourmis et toi tu fais le gué. T’as compris ? » je lui transmets en olfalto-conversation.
A voir ses antennes faire le sémaphore, je pense qu’elle n’a pas pipé mot. Tant pis il faut que j’y aille, la bande des fourmis ne plaisante pas. Il s’agit du gang le plus important du Weigélia sur lequel il circule des histoires horribles d’abeilles qui n’avaient pas respectées le deal, retrouvées à moitié dévorées.
- « J’y vais. Si tu vois des abeilles butineuses dans le coin tu m’envoies le signal ! » et les pattes chargées je plonge direction le sol à l’endroit entendu avec Rémi, le chef du clan des fourmis. Coup de frein au dernier moment, libération du pollen, remise des gaz et me voila de retour vers Mireille qui me cherche du côté opposé…
- « Yep ! J’ai réussi ! Ça c’est du ‘Go Fast’ ou je ne m’y connais pas. » j’éructe en frappant sur ma poitrine avec 4 de mes 6 pattes.
- « Allez on va chercher notre part. Mireille…. Mireille on décolle ! » je hurle avec mes antennes. Il va vraiment falloir que je change de complice.
Envol vrombissant en direction du groseillier en fleur où nous attendent les complices de Rémi pour nous remettre les 2 pucerons remplis de bons sucs. J’en ai la bave qui me coule sur le menton d’envie. Ça c’est du deal !
*****
J’espère qu’il est rentré le Bruno, moi je n’en peux plus de ces allers et retours pour nourrir le goinfre. Je vois enfin notre IF et le gamin qui piaille.
« Plach ! »
Ouah, mais qu’est ce que c’est que ce bruit ? Ah, c’est l’homme qui trempe sa tartine dans son bol…. Quelle trouille j’ai eu ! Avec mon problème de fuites urinaires j’en ai fait pipi de peur en vol … C’est pas grave, ce n’est qu’une seule petite goutte.
Allez moi, je rentre à la maison et je n’en bouge plus de la journée…
Et voici le grand finaliste ! Une histoire rythmée, qui fait sourire voire rire, à laquelle on ne s’attendait pas du tout ! Cette nouvelle est très réussite ; difficile de mieux respecter le thème du concours !
J'espère que vous aurez apprécié autant que nous la lecture de ces cinq nouvelles ! Le gagnant final aura droit à un prix livresque (je donnerai plus d'information par mail) !
Bravo à eux mais aussi à tous les autres, vous lire fut un réel plaisir !
Je remercie également mes deux acolytes R. et K., sans qui il aurait été difficile d'établir un classement parmi les 20 nouvelles reçues !
Je précise que nous ne sommes pas experts en littérature et que, s'il vous semble évident que telle nouvelle mérite telle place, nous avons de notre côté laissé notre propre expérience juger des meilleures décisions à prendre. Ce classement est donc purement subjectif, mais heureusement l'espace commentaire est là pour vous laisser débattre de vos textes favoris !
Allez lire les poèmes gagnants, et si c'est déjà fait...
À très vite pour un prochain article !
Enabla ;)